Wonhyo tenta une deuxième fois d’aller étudier en Chine Tang, à l’âge de 44 ans (661), à nouveau en compagnie de Maître Uisang. Pour traverser la mer vers la Chine, ils firent route vers l’ouest. Au moment où ils atteignaient le port de la forteresse Tanghang, la nuit était déjà tombée. Assaillis par un vent violent et une pluie torrentielle, ils furent contraints de passer la nuit dans un abri de rochers. Le lendemain matin, quand ils se réveillèrent, ils virent qu’ils avaient en réalité passé la nuit dans un caveau, la pluie continuait à tomber violemment et ils furent forcés de passer là, une deuxième nuit. Cette nuit-là, Wonhyo ne pouvait dormir, tenu éveillé par des bruits terrifiants et des visions de fantômes.
Ce fut l’occasion opportune pour le grand éveil du jeune maitre. La nuit précédente, il avait pu reposer à son aise, parce qu’il pensait dormir dans un abri sûr. Mais pendant cette deuxième nuit, sachant qu’il se trouvait à l’intérieur d’un caveau, dans une sépulture, il se sentait tout à fait mal à l’aise. Grace à cette expérience, il réalisa que quand survient une pensée tous les dharmas se réveillent, Mais quand la pensée disparait, un abri ou une tombe peuvent être une même chose.
Les trois mondes sont simplement l’esprit.
Tous les phénomènes ne sont que simple perception.
Il n’y a aucun dharma en dehors de l’esprit.
Quoi d’autre y aurait-il à chercher ?
Je n’irai pas en pays Tang.
Wonhyo s’en retourna en Silla, en clamant bien haut cette dernière expérience. Il avait été éveillé à la Grande Vérité, à savoir que le dharma n’existe pas en dehors de l’esprit. La vérité n’est pas quelque chose que l’on peut trouver en dehors de soi-même, mais c’est une prise de conscience intérieure. Wonhyo perçut l’essence de l’esprit qui se trouve dans l’intimité même de chaque être humain. Cette prise de conscience de maitre Wonhyo devint fameuse dans les années qui suivirent et fut reconsidérée dans la version encore plus fameuse ou récit.
Selon le récit, Wonhyo éprouva une soif intense pendant la nuit, et se mit à chercher de l’eau dans l’obscurité. Il réussit à distinguer un objet qui avait l’apparence d’une gourde. Il le prit et vit qu’il y avait de l’eau à l’intérieur. II la goûta. Elle était très douce. Il avala le contenu d’un seul trait, et ayant étanché sa soif, s’endormit profondément jusqu’à l’aube. Le lendemain matin, quand il s’éveilla, il se souvint de ce qui s’était passé et chercha la gourde. Il ne put la trouver nulle part. Il aperçut seulement des crânes humains qui jonchaient le sol.
La gourde était donc un de ces crânes, et l’eau au goût sucré, était de l’eau de pluie qui s’était accumulée à l’intérieur. Il examina I’ intérieur de l’un de ces crânes et s’aperçut que dans l’eau grouillaient des asticots vivants. La prise de conscience profonde qui fut la sienne à travers cette expérience lui remit à l’esprit une lecture dharma qu’il avait lue dans le texte : « L’Éveil à la foi ».
Lorsque se lève une pensée, se lèvent toutes sortes d’esprits différents
Quand disparaît une pensée, tous ces esprits divers disparaissent
Comme dit le Tathagata, les Trois Mondes sont illusion
Tout n’est que simple fabrication de l’esprit.
Wonhyo comprit que chaque image et phénomène arrive comme résultat d’un jugement à l’intérieur de l’esprit et n’est rien d’autre que cela. Il se tourna vers Uisang et lui dit :
– M’avez-vous vu souffrir de la soif, la nuit dernière ?
– Je vous ai vu en grande souffrance, buvant l’eau d’un bol, »
– Quand je me suis réveillé, ce matin, j’ai vu que ce n’était pas de l’eau propre que j’avais bue, mais de l’eau de pluie croupie qui s’était accumulée dans un crâne humain. Quand je l’ai bue, c’était vraiment rafraîchissant, et après cela j’ai dormi tout à fait satisfait. Après ma découverte, ce matin, j’ai vomi et je me suis senti très mal. La saleté ou la propreté d’un objet ne réside pas dans l’objet lui-même, mais dépend plutôt du jugement à l’intérieur de notre esprit. Maintenant, je comprends donc que toute chose est création de l’esprit. Je ne peux pas contenir ma joie d’avoir compris cette vérité, ni mon envie de danser et de chanter.
Ayant compris à travers cette expérience le principe de l’Esprit-Un (l’essence de certains enchaînements de sonmudo), il n’y plus de raison de continuer ce voyage vers la Chine pour chercher le dharma. En un instant, il avait atteint l’illumination et il exprima ses états d’âme en ces termes.
Quand un esprit s’éveille, beaucoup de sortes de dharmas arrivent à l’existence. Quand un esprit se retire, un sanctuaire ou un cimetière sont la même chose.
Les Trois Mondes sont simplement l’esprit.
Et tous les phénomènes sont basés sur la conscience.
Puisqu’il n’y a que l’esprit, qu’y a-t-il d’autre à rechercher ?
Ici l’esprit se rapporte aux contraintes du karma ou à l’esprit discriminatoire. Comme les jugements se produisent, le dharma existe comme un moyen d’éradiquer de tels jugements. Et donc, lorsque toutes les entraves du karma, ou jugements de l’esprit, sont purifiées et éradiquées, alors, il n’y a plus de distinction entre le calme et la colère.
Uisang continua son voyage vers le pays Tang. Il traversa la mer, selon son intention première. Il étudia sous le maitre Dharma Zhiyan (602-668), pendant dix ans, dans le temple Zhixiangsi sur le mont Zhongnan. Puis il retourna en Silla et propagea largement le bouddhisme de la Fleur Ornement. En 676, par privilège royal, il construisit le temple de Pusoksa et y enseigna de nombreux disciples.
A son retour au royaume de Silla, Wonhyo resta quelques jours au temple Ponhwongsa, s’adonnant à l’étude et à la pratique. Il utilisa son expérience de prise de conscience comme base de ses écrits. Wonhyo composa des commentaires des écritures bouddhiques et des ouvrages célèbres comme Kumgeng Sammaegpong Non (Exposé sur le Sutra Vajrasamadhi) qui plus tard a servi de guide à de très nombreux érudits et pratiquants à travers toute l’Asie orientale. Il quitta plus tard l’enceinte du temple pour aller vivre au milieu des gens. Il leur donnera un grand espoir, parfois par ses paroles, parfois par ses danses et ses chants. Ses méthodes de propagation du bouddhisme restaient souvent peu conventionnelles. Il pouvait agir ainsi du fait qu’il n’appartenait à aucune école particulière. Wonhyo fut donc un vrai pionnier du bouddhisme pour les gens ordinaires, Il pensait que le bouddhisme n’était pas l’apanage des élites ou des intellectuels et qu’il ne devait pas être conçu comme un outil pour renforcer le pouvoir tyrannique, ce qui en faisait une religion basée sur le formalisme ou une religion pour la noblesse. Bouddhiste Lui-même, il sentait qu’il était nécessaire d’aller au-delà du bouddhisme. C’est pour cela que beaucoup considèrent Wonhyo comme le maitre du muae (non-contrainte), un homme qui était véritablement libre en tout.
A suivre…vivre avec les gens et la rencontre de la princesse Yosok