1. L’esprit de Wonhyo
Un éternel présent.
Wonhyo était plus qu’un moine bouddhiste renommé. II était aussi un philosophe inspiré, un érudit accompli et un auteur prolifique. Il a joué un rôle important en faisant du bouddhisme la religion nationale de Silla. Il a établi une tradition profonde d’érudition encore admirée de nos jours par des érudits et des philosophes modères contemporains.
Ses écrits peuvent se diviser en plusieurs sous-thèmes :
– Hwajaeng,
-Terre Pure,
-Le ventre de Bouddha,
-la Fleur Ornement
-et l’Esprit Un
Tous ces thèmes sont inters connectés. Ses croyances n’étaient pas séparées de sa manière de vivre. Ses actions de non-contrainte et son empathie exprimaient encore plus clairement
une passerelle entre le passé et le présent. C’est que les problèmes et les conflits auxquels Maitre Wonhyo faisait face, en Silla, il ya 1300 ans, sont également présents à l’époque moderne.
Wonhyo est né en 617, quatre-vingt-dix années exactement, après la reconnaissance du bouddhisme comme religion officielle en Silla. À cette époque-là, le bouddhisme était utilisé par le gouvernement comme un moyen de développement du pays et pour faire avancer la cause de l’unification nationale. Situé dans la partie sud de la péninsule coréenne, Silla était traditionnellement une société fermée et socialement conservatrice, évitant soigneusement l’influence des autres cultures
Le bouddhisme est entré très difficilement en Silla. On trouve même des comptes rendus de la mise à mort des missionnaires bouddhistes de Koguryo, Chongbang et Myolkuja. La reconnaissance officielle du bouddhisme par le roi Pophung, n’arriva qu’après le martyr du moine Ichadong, membre de la famille royale de Silla. Et pourtant, cela se passait 150 ans après la reconnaissance du bouddhisme par Koguryo et Paekche, les deux autres anciens royaumes de la péninsule coréenne. Une fois accepté, son développement fit l’objet de la part du gouvernement royal d’un zèle étonnant. En 529, en la 10me année de son règne, le roi Pophung fit proclamer un édit national interdisant de tuer les animaux. Le roi Chinhung, successeur au trône de Pophung, encouragea son peuple à recevoir les ordres sacrés et à devenir moines. Le pays se lança aussi dans la construction de plusieurs grands temples, tels Hwangnyongsa et Chiwonsa, et invita des religieux renommés de Silla et de l’étranger à donner des conférences et à prendre part à des cérémonies religieuses. En ce temps-là, Silla avait formé un corps d’élite, connu sous le nom de Hwarangdo, qui avait pour but de former des jeunes gens compétents pour le service du pays. Le bouddhisme fut utilisé pour apporter à leur formation, une dimension spirituelle. Pendant cette période initiale, on pouvait reprocher au bouddhisme de Silla de mettre trop en avant le développement national, et non ce qui devrait être considéré comme la pratique du vrai bouddhisme. Et cela particulièrement, parce que les motifs séculiers de l’Etat ne correspondaient pas toujours à la foi bouddhique. De plus, après l’introduction en Corée de nombreuses sectes et écoles bouddhiques, le bouddhisme de Silla était confronté au défi de synthétiser et d’harmoniser les doctrines variées qui souvent s’opposaient les unes aux autres. Alors que les éléments de base de la philosophie bouddhiste s’appliquent universellement à tous, il existe de nombreuses écoles de pratique, où des enseignements différents s’adressent à des individus variés à des niveaux spirituels différents. Ainsi, on trouve dans le bouddhisme de nombreux écrits chacun apportant des réponses différentes à la même question. Cette diversité à l’intérieur du bouddhisme a donné lieu, naturellement, à des controverses entres écoles diverses, et cela contribue à rendre la compréhension difficile pour les gens ordinaires.
Wonhyo considérait tous ces problèmes comme les siens. Il essaya de les résoudre les uns après les autres et établit une forme de bouddhisme coréen non-sectaire et englobant tout.
L’esprit de Maître Wonhyo a perduré jusqu’ aujourd’hui. En conséquence le bouddhisme coréen est particulièrement œcuménique et est connu pour la coexistence harmonieuse des écoles particulières et des doctrines.
2. Philosophie bouddhique de Wonhyo
1)Hwajaeng (harmonisation des différends)
S’efforçant de rejeter une approche sectaire dans l’enseignement du bouddhisme, et tentant d’éviter les querelles doctrinales, Wonhyo écrivit le Chong-Yo, aperçu essentiel de 17 différents sutras. « Chong » signifie « déployer pour tous » et « yo » signifie « réunir en un ». En d’autres termes, Chong-Yo a pour base l’idée que l’esprit de Bouddha est révélé de manières très diverses, mais qu’il est, en fin de compte, unifié. Wonhyo soulignait que, dans une controverse, chacun des deux contestants peut avoir de bonnes raisons pour justifier son point de vue. Cependant tous deux devraient tenter d’arrondir les angles et considérer la situation d’une manière globale. Wonhyo imagina le concept de hwajaeng dans son ouvrage Yolbangyong Chongyo (Essence fondamentale du sutra Nirvana), « Si vous synthétisez les nombreux éléments contenus dans les sutras, il devient clair que d’innombrables éléments recoupent une même signification.
2) Si on distille ce sens Le passage ci-dessus affirme que l’Esprit Un rassemble l’absolu et le monde.
Le but de Wonhyo de réitérer le concept de l’Esprit Un, et de révéler le vrai esprit qui se trouve au-delà de toutes souffrances et qui demeure dans un état libéré de toute entrave. Comme on peut le lire dans le texte :
« Ce qui n’est pas non-existant ne demeure pas simplement dans l’existence.»
Si l’Esprit Un est considéré comme étant une réalité fixée, il ne peut pas être atteint. Selon les mots de Wonhyo:
« Il transcende le discours et la pensée, tout à la fois. Ne sachant
donc pas comment le nommer, je suis forcé de l’appeler l’Esprit Un ». (Essence fondamentale du sutra nirvana)
Comme l’absolu et le monde sont portés ensemble par le moyen de l’Esprit Un, le cycle de la naissance et de la mort et le nirvana deviennent une non-dualité. De plus, le monde de la naissance et de la mort et la Terre Pure du nirvana demeurent ensemble dans l’Esprit Un. En outre, le monde des vivants doués de sensations et le monde de Bouddha procèdent tous deux de l’Esprit Un. Quand nous aurons pris conscience de cela, notre propre Esprit Un aura retrouvé son essence. Mais si nous ne comprenons pas cela, nous ne pourrons que vivre comme un être vivant ignorant. Nous sommes avec l’Esprit Un, et pourtant nous sommes sans l’Esprit Un. C’est là, la réalité de la vie en ce monde et de l’existence sensible.
(3) Muae (Non-contrainte)
Muae (non-contrainte) est l’accomplissement de la pensée et des actes de Wonhyo. Muae signifie la liberté non entravée par les dualismes qui s’opposent et par les conventions toutes faites. C’est quelque chose de différent de la poursuite des désirs individuels, car cela prend sa source dans l’Esprit Un. Ce concept évoque l’équilibre et la compassion en nous. En d’autres mots, muae signifie qu’onn’est plus lié par la dualité du « moi » et « des autres » et que nous pouvons mener une vie de compassion.
Dans la perspective du bouddhisme, la liberté sans la compassion n’est pas ne véritable liberté, mais indulgence envers soi-même. La compassion sans la liberté, d’autre part, est passive et n’est pas la véritable compassion. Si nous atteignons l’une, nous en arrivons naturellement à atteindre l’autre. Dans le concept de muae, liberté et compassion sont inséparables. Il n’a pas pour fondement un individualisme atomistique et possessif. Il trouve ses racines dans l’unification du « tu » et du « je ». Muae cherche à unifier, tout à la fois, soi-même et les autres. Nous touchons là au ceur du bouddhisme, le « grand compagnon de l’unité ».
(4) La Terre Pure
Wonhyo a été le propagateur du bouddhisme de la Terre Pure et il a totalement incorporé cet aspect dans ses enseignements. La théorie de la Terre Pure était en relation étroite avec la théorie de Hwajaeng et de l’Esprit Un. En ce qui concerne l’illumination personnelle, la philosophie du Hwajaeng et de l’Esprit Un suggère que n’importe qui peut atteindre à l’illumination à travers des moyens appropriés à sa situation et à son propre degré de spiritualité. Ce point de vue qui met l’accent sur l’égalité de tous les êtres à atteindre à la bouddhéité était en désaccord avec l’esprit du bouddhisme d’abord propagé en Silla et qui cherchait à justifier le système de hiérarchie sociale en mettant l’accent sur le concept de karma.
Selon Wonhyo, la porte conduisant à la vérité absolue est ouverte à tous.
C’était là un défi à la conception typique du pratiquant laïque considéré comme un sujet passif, et non comme un participant actif, sur le chemin spirituel de l’illumination. La Terre Pure, où réside le Bouddha Amitabha, est un royaume céleste idéal, une « demeure pure ». Tous ceux et celles qui purifient leus esprits en chantant, avec respect, le nom de Bouddha Amitabha, sont habilités à entrer dans la Terre Pure, après leur mort, sans distinction d’âge, de genre ou de condition sociale. C’est parce que ce bouddhisme de la Terre Pure était facile à comprendre et à mettre en pratique, qu’il parlait à tous ceux qui n’étaient pas très versés dans les aspects plus complexes de la philosophie et de la pensée bouddhiques. C’est
pourquoi Wonhyo a choisi cette croyance simple et abordable pour propager le bouddhisme parmi les gens ordinaires.
3. Les enseignements de Wonhyo pour aujourd’hui
La théorie hwajaeng de Wonhyo fut le résultat de ses propres réflexions sur l’histoire. Les utilisant comme base, il harmonisa les divers points de vue opposés qu’il rencontrait dans le monde du bouddhisme et résolut leurs divergences. Les pratiquants étaient déroutés dans leur tentative d’atteindre les vrais enseignements de Bouddha, à cause des conflits entre le Bouddhisme de la Vacuité et le bouddhisme de la Seule Conscience. Grâce à la théorie de hwajaeng. la philosophie bouddhiste en Silla ne perdit pas davantage de temps et put se
développer plus avant. D’autre part, à travers sa théorie de l’Esprit Un, qui servit de fondement a la philosophie hwajaeng, Wonhyo soulignait que le monde du nirvana n’existe pas séparément de ce monde, et qu’en conséquence, le monde dans lequel nous vivons, peut aussi être le royaume de l’absolu. Wonhyo insistait sur le fait que tous ceux qui prennent conscience de la vérité de l’Esprit Un peuvent recevoir, dans ce mo l’illumination. Wonhyo pensait aussi que le but ultime du bouddhisme était de délivrer les êtres vivants de la souffrance. Aussi grande une théorie soit-elle, si elle ne s’applique pas à la vie de tous les jours, elle reste sans vie et est inutile. La vie même de Wonhyo est un exemple parfait d’une propagation du bouddhisme basée sur la vérité philosophique et sur la rencontre de la théorie et de la pratique. En ce sens, la vie et l’œuvre de Wonhyo, pilier du bouddhisme coréen, restent, pour nous aujourd’hui, une source qui nous guide et nous inspire.
La pensée de Wonhyo se base sur une contemplation universelle de la vie. Elle ne peut pas être exprimée par un texte religieux, ni enfermée dans un système métaphysique. Elle ne peut pas être comprise en simples oppositions comme réelet irréel, matériel et spirituel, individualité et totalité, existence et non-existence, ou encore le bien et le mal. En dépit de son cadre systématique et logique, elle reste une réflexion large et profonde sur l’essence de l’être, avec comme but une vie de non-contrainte. La spécialisation qui est l’une des forces actives de la civilisation d’aujourd’hui, s’est développée, dans la société humaine, au détriment des relations entre les individus. L’être humain est aliéné et notre consommation de biens culturels déséquilibrée. Alors que le monde fait face à des conflits entre civilisations, une vision nouvelle et plus largement ouverte est vitale. Le rôle de l’art et de la philosophie, aujourd’hui, est de refléter la réalité et de dépasser la fragmentation qui se fait jour dans la société.
Jusqu’au siècle dernier, les philosophes étaient concernés par les questions sur l’existence, se demandant ce qu’était réellement la nature de la vie humaine et jusqu’à quel point l’attitude de l’homme envers ses semblables pouvait être source de bonne ou de mauvaise influence. Au 21eme siècle, nous faisons face a un nouveau défi, sous la forme d’une crise globale environnementale. De plus, les avancées dans les techniques de clonage et l’engineering génétique, ainsi que des innovations comme le remplacement d’organes humains par des protheses artificielles, tout cela nous oblige à repenser les règles sociales. La pollution et le réchauffement global sont des problèmes qui demandent des réponses concertées. Le changement des écosystèmes menace la suvie même de l’espèce humaine. La seule voie vers l’avenir est d’aborder cette crise avec une conscience mondiale et de s’y atteler tous ensemble. Autrement dit, nous devons avoir la sagesse de voir la forêt plutôt que de regarder chacun des arbres. A cet égard, la vie de Wonhyo et sa philosophie contiennent une signification particulière pour nous. Sa philosophie est fondée sur une prise de conscience de la valeur de la vie individuelle. C’est la pratique et non la théorie qui est la clé de sa philosophie de l’Esprit Un et du concept de hwajaeng…
Nb: cette philosophie a inspirée la création des enchaînement du 5ème et 6ème dan
1. Premiere forme, Il sim-jang.
2. 2ème forme, Hwa jeong-jang
3. 3ème forme, Hon ryung-jang
4. 4ème forme, Mu ae-jang ….etc…